Point de vue n° 106
Pointe-à-Pitre, rond-point de la mulatresse solitude, D129, Vieux-Bourg (97110)
Mots clés
Unité paysagère
Agglomération urbaine Pointe-à-Pitre/Abymes
Typologies spatiales
Espaces urbains
Thématiques
Rénovation, réhabilitation urbaine, Infrastructures de déplacement, Équipements et espaces publics, Affichage publicitaire, signalétique, réseaux aériens
Intentions photographiques
Les empreintes, traces et autres marques - superficielles ou profondes – qui tantôt façonnent, transforment ou bouleversent les paysages, témoignent de l’action de l’homme sur son environnement. Le paysage ici en présence, hétéroclite s’il en est, voit ainsi se succéder les deux voies du boulevard des Héros qui descend des Abymes vers Pointe-à-Pitre, puis – sur un rond-point – la statue dite de la Mulâtresse Solitude, monument érigé en mémoire du marronnage en Guadeloupe et enfin, émergeant d’une enfilade de panneaux publicitaires quatre par trois, le quartier de Vieux-Bourg visé par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
(Sylvain DUFFARD, septembre 2018)
(Nouveau point de vue créé à l'occasion de la campagne de reconduction de juillet 2018)
Analyse paysagère
Reconstruire la ville de demain
Le boulevard des Héros constitue l’une des artères majeures d’entrée vers le centre ville de Pointe-à-Pitre. En point de mire, le quartier du Morne Fléret, l’un des rares mornes encore investi par le bâti en auto construction. Ce quartier populaire fait l’objet actuellement de projets de rénovation urbaine comme tout le secteur de Vieux Bourg.
Lors de ma visite du quartier, ce morne habité m’a évoqué les anciens villages méditerranéens construits sur les reliefs défensifs, au plan concentrique et aux rues étroites, aux maisons imbriquées les unes dans les autres, à l’assaut du relief, s’enroulant à l’image d’un être organique multicellulaire.
Les urbanistes parlent ici en termes de « lakou circulaire ». Ce mode d’habiter est loin d’offrir tout le confort moderne que l’on pourrait attendre. Néanmoins, il pose la question de la qualité de cet habitat individuel de plein pied, qui combine adaptation à un site et son relief, proposant une grande densité, tout en maintenant des ponctuations vertes, courées et jardins en toute quiétude à l’abri de la ville bruyante et trépidante. La place de la voiture y reste extrêmement réduite.
Tous ces éléments répondent me semble t’il assez bien aux nouvelles aspirations en matière d’urbanisme et d’habitat insufflées par le ministère du logement recherchant qualité et confort de vie pour les habitants en lien avec la nature. Ils répondent d’ailleurs d’après les sondages aux aspirations des habitants qui apprécient le quartier malgré le mauvais état des logements et les conditions de vie précaires.
Sans tomber dans une vision angélique des « favelas », il me semble qu’il y a de la graine à trouver dans cette auto construction qui a réussi à créer sans urbaniste, architecte ou paysagiste un modèle qui finalement compose un quartier agréable à vivre en exprimant sa singularité et son attachement à un paysage particulier de morne.
En tout cas, il est l’occasion d’ouvrir un débat sur le projet de requalification du quartier qui ne pourrait se résumer à reconduire systématiquement le modèle des grands ensembles réalisés depuis la deuxième moitié du 20ième siècle.
Olivier VAN POUCKE,
paysagiste-conseil de l’État
juillet 2020
Histoire et publicité, l’art de communiquer
Cette vue prise en direction du rond-point de la mulâtresse Solitude aux Abymes révèle avant tout l’omniprésence de la publicité, pas moins de 10 panneaux de grand format sont implantés les uns à côté des autres. Il est plus difficile de repérer la statue que la publicité. Elle doit effectivement se sentir bien seule au milieu de cette marée d’annonces… Et pourtant, il serait plus utile (pour un jeune mais pas uniquement) de connaître son histoire et de là l’Histoire de l’archipel que de savoir le prix d’un hamburger dans un fast-food…
La publicité tout comme les toiles d’araignée des réseaux aériens, la pauvreté quasi-systématique du traitement des espaces publics sont des caractéristiques récurrentes des paysages urbains de Guadeloupe. Ce rond-point situé sur le boulevard des Héros, axe viaire majeur d’entrée Nord sur l’agglomération mériterait un traitement autrement soigné tant sur les terre-pleins centraux que sur les bas-côtés, sans parler de la signalisation horizontale. L’enjeu urbain doit être soutenu par une intervention qualitative sur les espaces publics.
Jean-Christophe ROBIN,
urbaniste
mai 2020