Point de vue n° 002
Pointe-Noire, Rivière Caillou, Rue Jean Ignace (97116)
Mots clés
Unité paysagère
Reliefs boisés de la Côte Caraïbe
Typologies spatiales
Espaces urbains, Espaces littoraux
Thématiques
Dynamiques de l’interface périurbaine, Rivières, ravines, étangs, mares, canaux, Infrastructures de déplacement
Intentions photographiques
On retrouve fréquemment dans les fonds photographiques anciens représentés les lieux de rencontre de la rivière avec la mer. C'est la poétique qui se dégage de ces espaces que j'ai essayé de convoquer à mon tour.
(Sylvain DUFFARD, septembre 2016)
Analyse paysagère
Quelle place pour la Trame Verte et Bleue en centre-ville ?
Le lit d’une ravine envahie par les grandes herbes : voilà une image qui ne colle pas vraiment aux clichés touristiques de la Côte-sous-le-Vent, ni à l’idée préconçue d’un paysage urbain. Et pourtant, c’est une réalité assez commune, et pas seulement pour la Rivière Caillou dans le bourg de Pointe-Noire.
Cette réalité paysagère peut renvoyer l’image d’un espace délaissé, insuffisamment entretenu ou mal géré par la puissance publique. Et pourtant c’est un motif de richesse ! Peut-être pas sur le plan du paysage (quoique…) mais certainement sur le plan de la biodiversité : c’est la Nature en Ville qui s’exprime dans le lit de ces cours d’eau de régime torrentiel, où la place de l’eau est réduite l’essentiel du temps. C’est l’occasion, pour de nombreuses espèces, végétales comme animales, de coloniser les multiples micro-biotopes du lit majeur, dans un trou d’eau résiduel, sous un rocher, profitant du sol humide ou sur le haut de berge plus sec, etc.
C’est la raison pour laquelle les cours d’eau sont des supports majeurs de biodiversité en zone urbaine et des maillons essentiels de la Trame Verte et Bleue, le vert et le bleu étant intimement liés ici.
Il s’agit le plus souvent d’espèces avec des cycles de vie assez courts car le régime torrentiel de ces ravines entraîne une modification régulière et souvent violente du profil du cours d’eau, arrachant la végétation, déplaçant les roches, supprimant les zones d’accumulation de dépôts limoneux pour en créer de nouveaux ailleurs. C’est ce qui s’est produit lors du cyclone Maria en sept. 2017, comme à chaque épisode de pluie intense, et encore plus ici sur la zone proche de l’estuaire, soumise, en plus, aux impacts de la houle cyclonique, forte avec Maria.
Parfois c’est simplement l’alternance des périodes d’hivernage et de carême qui entraîne la modification des conditions du milieu dans le lit de la rivière, à la suite d’un carême particulièrement sec par exemple.
Et qu’en est-il alors de la scénographie de cette Trame Verte et Bleue dans le paysage urbain ? Inutile de chercher à maîtriser les forces de la rivière ou à moduler la forme de son lit : c’est peine perdue, la Nature est toujours la plus forte ! A moins d’envisager des solutions draconiennes, comme le bétonnage complet du cours d’eau, mais dans ce cas l’atteinte écologique est considérable !
Il s’agit de bien aménager et gérer le cadre urbain de la rivière, les espaces publics qui jouxtent le cours d’eau, le mobilier d’éclairage, la collecte des déchets, le traitement des limites, etc. Il existe des solutions qualitatives pour toutes ces problématiques mais il faut pour cela prendre le temps de la réflexion du projet urbain, et mobiliser les volontés politiques autant que les budgets nécessaires. C’est souvent là que le bât blesse…
Emmanuel BRIANT,
paysagiste
mai 2020