Point de vue n° 040
Grand-Bourg, Centre-bourg depuis l'hôtel de ville (97112)
Point de vue historique
Mots clés
Unité paysagère
Plaine littorale de Grand-Bourg
Typologies spatiales
Espaces urbains
Thématiques
Reconquête et dévitalisation des centres-bourgs, Patrimoine historique et culturel, Affichage publicitaire, signalétique, réseaux aériens
Intentions photographiques
(point de vue non reconduit en juillet 2021 par accès difficile du lieu de prise de vue)
Analyse paysagère
La maison fantôme
Dans la première moitié du XXe siècle, l’envoi de cartes postales a constitué un moyen privilégié de correspondance entre les personnes. Reposant sur la généralisation de l'usage de la photographie, le succès de ces éditions a permis de couvrir et faire connaître l'ensemble du territoire français et de témoigner de ses évolutions. Outre les scènes animées présentant les costumes régionaux, les pratiques agricoles et artisanales traditionnelles, les sujets photographiés s'attachent aussi au patrimoine, à l'architecture, à l'urbanisme, aux paysages et aux sites naturels. Ces illustrations sont d'autant plus précieuses pour la Guadeloupe que les autres sources iconographiques sont rares.
Le choix de mettre en correspondance certaines prises de vues réalisées pour l'observatoire photographique avec des vues de cartes postales anciennes permet d'illustrer les mutations de l'archipel guadeloupéen, qu'elles soient radicales ou plus nuancées.
Souvent présentée comme le conservatoire des modes de vie traditionnels guadeloupéens, Marie-Galante donne à voir ces évolutions et les tiraillements entre conservatisme et modernité à travers ces trois photographies prises depuis l'hôtel de ville de Grand-Bourg à la fin des années 1930, en 2016 et en 2018. Elles montrent la disparition progressive du bâti urbain ancien en bois au profit de la construction en béton et la densification de la construction dans le bourg et aux alentours, tant en emprise au sol qu'en élévation. Seul élément invariant, la silhouette caractéristique du clocher de l'église – laquelle, en dépit de plusieurs reconstructions, n'a pas changé d'implantation depuis 1660 - s'impose dans le paysage urbain et émerge au-dessus des toitures. L'église, monument historique inscrit en 1979, constitue un sémiophore en ce qu'elle rend visible un certain ordre du temps dans lequel le présent ne peut se détacher du passé. D'autres traces en revanche n'ont pas été jugées indispensables à la mémoire collective. Ainsi, la grande maison haute et basse construite en angle a disparu, tandis qu'au premier plan, la maison dont le mur pignon était couvert de tôles et qui avait survécu jusqu'en 2016 n'existe plus en 2018. Ne demeure que son fantôme sur le mur de la construction mitoyenne, un fantôme dérangeant qui nous questionne sur notre rapport au passé. En face, une petite case fait de la résistance depuis plus d'un siècle. Sans doute condamnée elle aussi, elle ne correspond plus aux modes d'habitats contemporains mais elle nous dit beaucoup des modes de vies et des techniques vernaculaires.
Séverine LABORIE,
Conservatrice du patrimoine
mai 2019
Du bois, de la tôle et du béton
Si l’église dominait le bourg au début du siècle, il en va différemment de nos jours. Pour autant, les constructions neuves qui ont utilisé au mieux les règles des documents d’urbanisme ne se sont pas intégrées au tissu urbain. La construction neuve à droite de la photographie montre elle aussi un grand pignon aveugle et non peint tout aussi disgracieux.
La case au pignon blindé du premier plan aura été présente jusqu’en 2016, soit plus d’un siècle, avant d’être démolie mais de laisser malgré tout sa trace sur le mur pignon voisin. On note ainsi le peu de soin apporté dans la finition, cette démolition sera peut-être l’occasion pour le propriétaire de terminer l’enduit du pignon puis de le peindre…
D’une manière générale, on constate la difficulté d’intégrer le bâti contemporain dans une trame foncière ancienne en lanière. Le bourg donnait une impression d’hétérogénéité qui perdure voire même qui s’est accentuée avec l’utilisation de nouveaux matériaux (le béton) et de nouveaux coloris.
A noter que certaines cases toujours « doubout » en 2018 étaient déjà présentes au début du 20e siècle. Cela dénote, d’une part, la non attractivité du bourg, le peu de mutation de propriété, et d’autre part la qualité des matériaux mis en œuvre il y a un siècle. Cette faible attractivité laisse la place à la végétation pour s’épanouir à l’image du sujet au premier plan.
Jean Christophe ROBIN,
urbaniste
avril 2020