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OPP Archipel Guadeloupe Observatoire photographique des paysages de l’archipel Guadeloupe

OPP Archipel Guadeloupe
République Française

Veille photographique de la dynamique des paysages emblématiques, exceptionnels et quotidiens de l’archipel de la Guadeloupe

Les enjeux paysagers

Plusieurs sources documentaires ont été mobilisées pour appréhender les enjeux des territoires de l’archipel : atlas des paysages, schéma d’aménagement régional, charte de territoire du parc national, documents d’urbanisme, études thématiques…

Ces ressources ont par ailleurs été le point de départ de débats organisés durant l’année 2015 avec les membres du comité de pilotage, dans le but de suggérer au photographe des thèmes et des problématiques que l’itinéraire photographique pouvait observer.

Ce travail a abouti à la définition de macro-enjeux et d’enjeux paysagers.

Les macro-enjeux exposent les problématiques spécifiques identifiées pour la Guadeloupe en matière d’aménagement du territoire et les actions prioritaires engagées par les politiques publiques pour y remédier :

  • Double insularité
  • Importance du littoral
  • Prégnance des risques naturels
  • Consommation de l’espace agricole et naturel
  • Mitage urbain
  • Crise du secteur agricole et touristique
  • Biodiversité remarquable
  • Ressource en eau
  • Pollution des sols et salubrité publique
  • Tertiarisation de l’activité économique
  • Équilibre des territoires et maîtrise du foncier
  • Relance et diversification agricole
  • Résorption de l’habitat indigne et renouvellement urbain
  • Lutte contre la banalisation et la standardisation des paysages.
  • Gestion des déchets
  • Diversification de la production d’électricité

Les enjeux paysagers ont été classés selon 4 thématiques permettant de détailler 20 grands domaines (eux mêmes développés en plusieurs enjeux et sous enjeux) :

Thème 1 / PAYSAGE ANTHROPISE

  • 1.1. Cadre de vie urbain
  • 1.2. Cadre de vie périurbain
  • 1.3. Déplacements , Infrastructures & grands projets
  • 1.4. Les opportunités paysagères
  • 1.5. Les menaces pour le paysage
  • 1.6. Le paysage de résilience

Thème 2 / PAYSAGE DE NATURE

  • 2.1. Paysages naturels remarquables
  • 2.2. Paysage naturels ordinaires
  • 2.3. Paysages d’eau
  • 2.4. Paysages de montagne
  • 2.5. Paysages d’interface
  • 2.6. Nature résiliente

Thème 3 / PAYSAGE CULTUREL

  • 3.1. Paysage et histoire
  • 3.2. Paysage et les arts
  • 3.3. Paysages labellisés
  • 3.4. Paysage de tradition
  • 3.5. Paysages temporels

Thème 4 / PAYSAGE RESSSOURCE

  • 4.1. Paysages vivriers
  • 4.2. Paysages d’énergie
  • 4.3. Économie des paysages


Ce classement constitue une forme de thésaurus qui permet d’établir un référencement et une terminologie convenue et partagée. C’est un outil qui a aidé aux choix des points de vue ainsi qu’à leur qualification et documentation dans les grilles d’appréciation et d’analyse.

Éclairage sur les paysages de la Guadeloupe

Les paysages de Guadeloupe changent vite, tous les jours et parfois profondément. On les urbanise, les aménage ou les délaisse. Le mitage bâti pénètre toujours plus loin au cœur des zones agricoles ou des boisements. Les terrassements attaquent les mornes en laissant de grandes saignées minérales, blanches, grises ou ternes mais toujours en contraste avec les formes douces de la topographie initiale ornée de son couvert de végétation naturelle ou cultivée. Ailleurs, on comble des mares, on empiète sur des lagunes, on bétonne des rivières… Autant de travaux, de grande ou de petite emprise, qui impactent les paysages brutalement ou les modifient plus insidieusement, sur un temps plus long. Autant de travaux qui sont parfois justifiés par l’utilité publique du projet ou parfois par des motivations individuelles qui peuvent se comprendre également. La question n’est pas de juger ou de critiquer le bien-fondé de ces aménagements, mais de souligner leur conséquence sur la pérennité des identités paysagères qui font, dans toute leur diversité, la richesse de la Guadeloupe.

Les projets d’aménagement ou de construction ne sont pas les seuls en cause d’ailleurs dans les transformations du paysage. Parfois c’est en ne faisant rien que des identités paysagères se perdent, comme c’est le cas pour certains territoires ruraux qui ne sont plus exploités. La dynamique végétale, très rapide sous notre climat tropical, fait vite passer l’ancien champ abandonné à un stade de fourré, et le fourré au stade de forêt. Ce faisant, des paysages se ferment, des panoramas se rétrécissent ou s’obturent, des perspectives visuelles disparaissent… et des identités paysagères se perdent. L’OPP n’est pas là pour alimenter une critique des modes de valorisation du territoire ou des politiques publiques à travers l’archipel, mais il va permettre de mesurer concrètement toutes ces transformations, entre deux campagnes de reconduction, afin de pouvoir en analyser l’impact. L’OPP est donc un révélateur des effets à moyen et long terme de nos décisions quotidiennes, à « nous », aménageurs, techniciens, élus, habitants, visiteurs, etc.

Le bâti joue un rôle fort dans les dynamiques d’évolution des paysages de Guadeloupe. Son extension spatiale peut prendre différentes formes : nouveaux lotissements, résidences collectives, qu’elles soient sociales ou non, ou bien maisons isolées. Mais à chaque fois que l’implantation d’un nouveau bâti se fait ex-nihilo, c’est-à-dire en dehors de tout noyau urbain existant, c’est toujours une perturbation forte de la structuration des paysages, et parfois une altération profonde de leur identité. Il en est de même dès que la forme architecturale du bâti dénote avec son contexte.

Évidemment, il faut bien se loger en Guadeloupe ! La question n’est donc pas d’arrêter de construire mais de bien réfléchir à comment construire et où construire, et bien souvent il faut répondre à ces deux questions en même temps. En effet, le projet doit être le reflet d’une adéquation entre le besoin et le cadre dans lequel il s’insère. On ne devrait pas construire de la même manière dans la campagne de Vieux-Habitants ou dans les quartiers de la rénovation urbaine des Abymes. C’est de cette adéquation que dépend la qualité d’intégration du projet dans son paysage-hôte et le respect final des identités locales du territoire, fondement des modes de vie des habitants. La mise en application du concept de développement durable passe aussi par ce processus de conception.

En copiant les mêmes modèles partout, c’est une uniformisation du territoire qui est à l’œuvre, une standardisation des paysages. Et dès lors qu’on a les mêmes rues, les mêmes maisons, les mêmes équipements publics, les mêmes mobiliers urbains à travers toute la Guadeloupe, que devient la diversité des paysages de notre archipel, celle qui est appréciée des touristes et vantée par les promoteurs de notre destination dans les médias et les salons internationaux ? Elle se perd, se délite, et au final nous y perdons tous. C’est à cela que l’OPP doit contribuer : prendre conscience des mécanismes d’évolution des paysages de l’archipel pour mieux les encadrer à l’avenir, de façon à pouvoir transmettre aux générations futures un patrimoine doté d’une aussi grande diversité de paysages.

Car au final, c’est bien l’humain qui est au cœur de nos paysages : habitants, travailleurs, usagers de la route, visiteurs du dimanche, touristes… « anciens », enfants… Quel place lui réserve-t-on, à l’humain, dans ces nouveaux paysages ? Quels changements induits dans les usages traditionnels ? Quelle plus-value pour la qualité du cadre de vie ? En répondant strictement aux problématiques techniques, on oublie parfois de se demander quel « paysage à vivre » résulte de ces projets. C’est pourtant ce questionnement qui fait la réussite fondamentale de l’aménagement et qui peut garantir le succès d’une transformation du paysage. Car bien-sûr, il n’est pas question de figer le territoire ni de mettre les paysages sous cloche. La vraie question c’est de savoir quelle sera la qualité des paysages demain et quelle part fondamentale de leur identité passée ils préservent pour mieux la transmettre.

C’est à tout ça que va servir l’OPP de Guadeloupe. Et l’itinéraire photographique initial est prometteur tant il reflète bien à la fois la diversité des identités paysagères de l’archipel et la variété de leurs transformations. Certaines sont déjà effectives. On peut en deviner d’autres, qui seront peut-être révélées par les prochaines reconductions de l’OPP.

Emmanuel BRIANT
paysagiste (Caraïbes Paysages), mai 2017